À l’heure où les générateurs d’images se démocratisent, de nombreux créateurs se demandent s’ils peuvent imprimer, vendre ou exploiter librement les visuels issus de Bing Image Creator. Cet article détaille les règles, risques et bonnes pratiques pour une utilisation commerciale en toute sérénité.
Contexte
Bing Image Creator – autrefois appelé « Image Creator from Designer » – permet de produire en quelques secondes des illustrations photoréalistes, des logos stylisés ou encore des compositions graphiques complexes. Lors de son lancement public, Microsoft précisait que les visuels étaient réservés à un usage « personnel et non commercial ». Cette mention a été retirée lors de la refonte des conditions d’utilisation publiée le 14 novembre 2023, puis confirmée dans la version consolidée de mai 2025. Depuis, la question de la commercialisation se pose avec d’autant plus d’acuité que de nombreux artistes, éditeurs et entrepreneurs envisagent de transformer ces rendus en produits physiques ou numériques monétisables.
Statut juridique actuel des images générées
Selon les conditions de service mises à jour :
- Microsoft ne revendique aucun droit de propriété sur les œuvres générées ; vous en êtes le titulaire par défaut.
- Il n’existe plus de restriction explicite à l’usage commercial, mais l’éditeur décline toute responsabilité en cas d’atteinte aux droits d’autrui.
- Vous restez soumis au Code of Conduct Microsoft, lequel proscrit les contenus haineux, violents, diffamatoires ou illégaux.
- Le Microsoft Services Agreement s’applique ; il prévoit notamment le retrait sans préavis d’un contenu jugé non conforme.
En pratique, cela signifie que vous êtes libre de vendre vos créations (t‑shirts, posters, packagings, NFT, marketing, etc.), à condition d’assumer seul les vérifications et les risques juridiques associés.
Tableau récapitulatif des points clés
Point clé | Explication |
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Levée de l’interdiction commerciale | Depuis la révision de novembre 2023, confirmée en mai 2025, la mention « usage personnel, non commercial » a disparu. Les utilisateurs disposent d’un droit d’exploitation étendu, y compris à but lucratif, sous réserve du respect des CGU. |
Aucune redevance supplémentaire | Microsoft n’exige ni frais de licence ni partage de revenus. Une fois l’image générée, vous pouvez l’utiliser librement sans formalité : téléchargement, impression, diffusion numérique, merchandising, etc. |
Responsabilité transférée à l’utilisateur | Ni garantie d’originalité ni protection contre les réclamations de tiers n’est fournie. Vous devez donc évaluer le risque de contrefaçon, d’atteinte au droit à l’image, aux marques ou aux dessins et modèles. |
Obligations procédurales | • Respect strict du Code of Conduct (pas de contenus illicites). * Conservation des invites et de la date de génération pour une traçabilité totale. * Apposition éventuelle d’une mention « Image générée par IA » si la réglementation locale l’exige ou si la plateforme de vente le demande. |
Bonnes pratiques de vérification | 1. Exécuter une recherche d’images inversée pour détecter d’éventuelles similitudes litigieuses. 2. Contrôler la présence de marques, logos ou personnages protégés. 3. Inclure des clauses de limitation de responsabilité dans les contrats clients/fournisseurs. |
Comprendre votre responsabilité
Vérifier l’originalité et les droits
Une image produite par un modèle IA peut, de manière fortuite, reproduire la structure d’une œuvre protégée ou l’identité visuelle d’une marque. Avant toute exploitation commerciale, passez systématiquement vos visuels dans au moins deux moteurs de recherche d’images inversées. Comparez également les rendus à des banques d’illustrations pour repérer d’éventuels doublons. Si vous identifiez une similarité substantielle, retravaillez l’image (changement de pose, palette, composition) ou partez d’un nouveau prompt.
Respect du droit à l’image et des marques
Les visages reconnaissables de célébrités ou les silhouettes d’édifices protégés (par exemple la tour Eiffel de nuit) peuvent entraîner des réclamations fondées sur le droit à l’image ou la propriété intellectuelle. Si votre prompt évoque un acteur célèbre, un produit phare ou un bâtiment iconique, effacez tout signe distinctif ou sollicitez une autorisation écrite. Dans le cas d’une marque déposée, même l’usage parodique peut exiger un examen approfondi selon les juridictions.
Gestion contractuelle avec vos clients
Lorsque vous livrez une image IA à un client – qu’il s’agisse d’une agence, d’un éditeur ou d’un e‑commerçant – insérez une clause stipulant :
« Le créateur déclare que l’image a été générée via Bing Image Creator et qu’aucun droit de licence n’est dû à Microsoft. Le client reconnaît que, conformément aux conditions de service, la responsabilité de toute violation potentielle de droits de tiers lui incombe entièrement à compter de la livraison. »
Cette formulation clarifie les rôles et limite votre exposition en cas de litige ultérieur.
Bonnes pratiques avant mise sur le marché
- Archiver vos prompts. Conservez l’intégralité du texte générateur et les paramètres (ratio, style, graine aléatoire). En cas de contestation, cet historique devient une preuve cruciale de votre démarche créative.
- Tracer la date de génération. Mentionner la date complète (jour, mois, année) prouve votre antériorité et facilite la défense d’un droit sur un dessin ou un modèle.
- Documenter vos recherches d’antériorité. Capture d’écran des résultats de recherche inversée, rapports d’outils de détection de similitude, etc.
- Privilégier la retouche humaine. Une légère post‑production (corrections colorimétriques, réinterprétation d’éléments clés) renforce l’originalité et diminue les risques de duplication inconsciente.
- Évaluer la conformité publicitaire. Dans certaines juridictions, l’usage d’images IA en publicité doit respecter des règles spécifiques (transparence, absence de pratiques trompeuses, non‑discrimination).
Cas d’usage spécifiques
Édition jeunesse
Les jeunes lecteurs réagissent fortement aux visuels. Or, nombre d’éditeurs redoutent les polémiques autour de la « banalisation » d’illustrations IA. Pour sécuriser votre projet :
- Évitez les personnages déjà populaires afin de prévenir toute confusion.
- Privilégiez des palettes et un style harmonieux sur l’ensemble du livre pour masquer les variations inhérentes aux générations successives.
- Pensez à créditer le procédé (Illustrations générées à l’aide de l’intelligence artificielle – retouches par [votre nom]).
Produits dérivés haute visibilité
Pour des collections distribuées à grande échelle (textile, papeterie, déco), un audit juridique demeure conseillé. Il inclut la recherche de dessins et modèles déposés et la vérification des bases de marques internationales. Les grands distributeurs exigeront souvent un document attestant que les images ont été générées légalement et qu’aucune revendication connue n’est pendante.
Campagnes publicitaires
Les autorités de régulation (ASA, ARPP, FTC…) s’intéressent déjà aux biais et stéréotypes véhiculés par les générateurs. Votre visuel doit :
- Éviter la représentation négative ou discriminatoire de groupes protégés.
- Ne pas induire en erreur sur la nature du produit (ex. photo réaliste d’un plat qui n’existe pas).
- Être archivable pour prouver la conformité en cas de contrôle.
Conseils pour un niveau de sécurité avancé
Pour les projets à forte valeur (accords de licence, franchises internationales, tirages de plusieurs centaines de milliers d’exemplaires), doubler la génération IA d’une intervention humaine substantielle s’avère judicieux. Confier le rendu final à un illustrateur permet :
- d’introduire des éléments d’originalité purement humains, donc protégeables ;
- d’effacer d’éventuelles similitudes subsistantes avec des œuvres tierces ;
- d’obtenir un copyright classique sur la version retouchée.
En parallèle, souscrivez une assurance responsabilité civile couvrant les réclamations de propriété intellectuelle et conservez un budget dédié aux éventuels frais juridiques.
Conclusion
L’évolution des conditions d’utilisation de Bing Image Creator offre aujourd’hui une réelle opportunité commerciale : vous pouvez librement imprimer, vendre ou licencier vos créations. Cette liberté s’accompagne toutefois d’une responsabilité accrue : vérifier l’originalité, respecter le droit des marques et des personnes, archiver votre processus et informer vos clients des limites. Adoptez une méthodologie rigoureuse (recherche d’antériorité, conservation des prompts, clauses contractuelles adaptées) pour convertir vos visuels IA en succès commerciaux pérennes, sans compromettre votre conformité juridique ni votre réputation.